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1963/1965 LE CHANTIER DE MORUROA, L'HISTOIRE DE LA 115ème CMGA

Publié : 12 mars 2018, 11:54
par Alain Giot
Bon! bin faut y aller, je vais vous conter, comment s'est déroulé notre aventure en Polynésie.

Au commencement.
Embauché par l'armée le 1 février 1963 au Camp Des Sablons du 25ème BGA à Compiègne.
Les surprises de la présélection, nous les 3 jours, c'était au pays des "Bêtises" à Cambrai. Après les tests, venait un entretien particulier avec un sous off. et dans la conversation on pouvait exprimer ses vœux concernant la future affectation. 70% c'était l'aviation et à moins de 100 km de la maison. 20% dans les blindés à moins de 100 km de la maison. Moi je souhaitais être dans le génie et qui plus est, en Allemagne car à l'époque c'était la destination la plus lointaine. L'Algérie c'était fini restait le front de l'Est.

Tout compte fait, je me suis retrouvé dans le génie de l'air, je savais même pas que ça existait mais j'ai trouvé ça bien. Compiègne par contre c'était trop près et trop loin, heureusement que 6 mois après on m'a proposé des vacances à l'autre bout du globe, le monde s'ouvrait à moi

Le général CROS que nous retrouverons plus tard dans l'histoire
Prise d'armes Général CROS Compiègne févrieir 1963.jpg
Photo Gérard Dumaine

SAPEUR DE L'AIR

Parcours classique des bidasses du génie, puis pour moi formation de niveleur, un plaisir de niveler les sentiers dans la forêt de Compiègne au printemps. Ouverture d'une carrière en pleine forêt, ça devait être pour un privé, on pique-niquait et on était nourris comme des rois.
Et puis en juillet une annonce disant qu'ils recherchaient des volontaires pour TAHITI, les vahinés, les lagons, bref le paradis. 50 % étaient d'accord pour y aller mais la suite de l'annonce en a refroidi beaucoup, le service était de 18 mois et il fallait rengager de 6 mois, 2/3 des volontaires se sont désistés, après « triage », on restait environ une vingtaine et début août on nous a envoyé en transit au 15ème RGA de Toul,,, Ça c'est un bled, je ne le recommande pas dans mon guide touristique.
Image Jean-Claude Mayeur
JCM Toul 1963.jpg
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DEPART POUR LA POLYNESIE

Pour moi l’aventure a réellement commencé à l’ADITDM de Clignancourt, avant nous n’avions aucune certitude, rien n’était acquis. C’est là aussi qu’on a commencé à manger mieux qu’a Compiègne et beaucoup beaucoup mieux qu’à Toul , et même si on est fauché, Paris c’est beaucoup mieux qu’une ville de garnison ..Pendant ce court transit une quinzaine de jours j’ai emmagasiné comme toujours un tas de souvenirs.
Ceux qui le souhaitaient ont reçu des costumes civils (obligatoires pour le survol et le transit aux USA) le miens m’allait assez bien, mais mes copains Réunionnais ils étaient marrants car tous les costumes étaient identiques, tissu genre pied de poule qui ne convenait pas trop à leur teint bronzé….
Et puis un jour le grand départ, vol Air France en 707 jusque Montréal, vol UAT (ou UTA) en DC8 pour Chicago, puis escale à Los Angeles, 1 seul jour suffit pour emmagasiner encore un tas de souvenirs. Sur des images de Gérard Gadaud , j’ai retrouvé les mêmes centres d’intérêt, ça m’a fait plaisir..
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Serge PONT  arrivée .jpg
Le 22 novembre 1963 arrivée à Papeete le matin, température étouffante, l’aérogare, un petit bâtiment hexagonal au ras du sol, avec accueil musical par un groupe de Tahitiens ( pas maigrichons) qui grattaient la guitare et le ukulélé..
Une annotation m’avait fait très bonne impression, cela concernait le non usage des pourboires à Tahiti. (je ne me souviens plus de la formule exacte)

A bientôt pour la suite.

Re: 1963/1965 LE CHANTIER DE MORUROA, L'HISTOIRE DE LA 115ème CMGA

Publié : 12 mars 2018, 15:57
par Alain Giot
Notre petit groupe est arrivé en Polynésie le 22 nov, 1963 (jour de l'assassinat de JFK)
Vu la chaleur nous pensions qu'il devait être midi, mais il n'était que 8 h du matin, Sacré écart avec la température du plateau d'Ecrouves près de Toul.
Nous avons été conduit à Arué, charmant camping au pied de collines avec une rivière à l'eau cristalline,
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Le personnel du camping avait installé des tentes pour nous, Je me souviens plus comment, mais nous qui étions habillés en civil depuis plusieurs semaines, nous sommes retrouvés déguisés en soldats militaires,
Bon un peu de sérieux, le camping de Arué était en fait un superbe bourbier installé sur une zône que je qualifie de marécageuse, Les tentes présentaient d'inquiétantes réserves d'eau sur la toiture,
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Serge PONT   ARUE.jpg
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Le caporal Serge en bon débrouillard s'est trouvé des panneaux de bois pour protéger ses affaires et s'est constitué de quoi ne pas patauger dans la boue.
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Serge PONT   ARUE 2.jpg
Il n'y avait pas de panneaux pour tout le monde, alors,1er boulot, chercher de gros galets pour mettre nos valises au sec puis petite visite de reconnaissance, La nuit, croyants que l'endroit était sûr nous n'avions pas prévu de garde, (les cons) et une troupe supérieure en nombre en a profité pour virer les nouveaux arrivants dans la boue, à 2 heures du mat ça fait drôle, de plus, se recoucher dans du matériel dégeu,,,ceux qu'avaient mis les fringues sur le plumard ont été gatés, merci l'accueil, l'obscurité complice ne nous a pas permis d'identifier ces traitres,
Maintenant que j'y pense, y avait pas de courant dans les tentes, y avait juste un petit groupe mobile près de la cuisine
Il était interdit (au début) de sortir du camp, mais l'appel de la mer fut le plus fort, heureusement sans problème à part de sévères coups de soleil dispensés à travers les nuages (nouveau pour nous ça), L'éplucheuse électrique étant en panne (mon oeil, fallait nous occuper), un groupe fut réquisitionné pour la « corvée de pluches » Bon on l'a fait qu'une fois parce que les épluchures étaient plus grosses que le résultat, Du coup cette tâche a été confiée aux légionnaires beaucoup plus doués que nous,,
Nos amis légionnaires ne nous fréquentaient pas, de plus y s’avaient de drôles de jeux, de temps en temps un responsable organisait des petites rondes, pour masser les dos (nus), ils chargeaient des galets dans des sac à dos et pour équilibrer la charge ils prenaient un gros galet dans les mains, et ils tournaient sans musique jusqu'à ce que le chef soit fatigué,,Nos gradés nous avaient dit que si on n'était pas sage on irait faire des rondes avec eux,,Très peu pour nous,,,,,
La légion avait creusé des latrines et installé des planches très souples au dessus, le tout, à l'air libre bien sûr mais un peu à l' écart du cantonnement, t'y allais pas pour lire des BD. Quand le niveau arrivait à 20 cm du bord ils creusaient un autre trou et arasaient le précédent avec un peu de terre. Une nuit, 2 gaillards de chez nous sont rentrés en prenant un raccourcis et se sont enfoncé dans la merde, l'horreur totale,,,
Nos gradés avaient instauré un tour de garde, mais garder quoi, contre quoi et avec quoi.. Je me suis juste choppé de sacré coups de soleil à la première garde et après je pense que la garde a été supprimée.
On a passé un mois dans ce charmant camping, ce qui n'est pas mal pour une entrée en matière, cela nous a permis de connaître un peu Tahiti.




Pour vous faire une idée du terrain avant que le 5ème RMP ne prenne les choses en main.
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arue13 - Copie.jpg
camp_d10.jpg
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.La suite au prochain épisode.

Re: 1963/1965 LE CHANTIER DE MORUROA, L'HISTOIRE DE LA 115ème CMGA

Publié : 13 mars 2018, 08:26
par Marsouin
J'ignorai que les conditions de vie à Arue étaient si spartiates et plutôt insalubres à cette époque pionnière :oops:
Heureusement pour vous... les bâtisseurs de la Légion sont rapidement arrivés ;)

Re: 1963/1965 LE CHANTIER DE MORUROA, L'HISTOIRE DE LA 115ème CMGA

Publié : 13 mars 2018, 17:08
par Gérard Gadaud
J'ignorais aussi que mes prédécesseurs avaient vécu ça
3 ans plus tard les conditions s'étaient bien améliorées
A la place de ton camp d'Arue nous avions le "Club Med" de Mataiea! ;)

Re: 1963/1965 LE CHANTIER DE MORUROA, L'HISTOIRE DE LA 115ème CMGA

Publié : 20 mars 2018, 16:17
par Alain Giot
(Une question aux initiés, qu'est-ce que c'est que le "Mataiea".)

Suite des épisodes précédents.
Après 1 mois de vacances au camping de Arué, séjour émaillé de quelques aventures triviales sans conséquence, souvenirs, souvenirs.

C'est parti les amis, le 17 décembre 1963 on embarque sur le TCD Foudre. un navire de 20 ans qui a connu le débarquement.
TCD FOUDRE.jpg
Nous avons passé 2 nuits à bord, les marins nous ont donner nos couchages, en l'occurrence des hamacs qui paraissaient neufs, mais tombaient en ruine à la moindre traction, du coup on a dormi sur le plancher.
Le TCD Foudre ne peut pas beacher mais il possède une plage arrière ou les autres types de barge peuvent beacher
Serge PONT   Le FOUDRE 1.jpg
Serge PONT   Le FOUDRE 2  - Copie - Copie.jpg
Serge PONT   Le FOUDRE 3 arrivée à Moruroa .jpg
Le 22 décembre 1963 on débarque à Moruroa, ni collier de coquillages, ni collier de fleurs
Serge PONT débarquement.jpg
Bon, on va faire une pause, A+

Re: 1963/1965 LE CHANTIER DE MORUROA, L'HISTOIRE DE LA 115ème CMGA

Publié : 21 mars 2018, 11:11
par Alain Giot
On reprend du service.
Mo prédécesseurs, en particulier les grutiers et mécanos qui on fait la traversée Toulon--------> Moruroa avec des escales sur les quelles il faudra revenir.
Henri MANDON 3.JPG
Arrivés à MURU.
le 19 décembre 1963 .. nous avons pris possession de nos quartiers.

Acquisition du paquetage :2 jeux de vêtements de travail et le couchage, ensuite reconnaissance des lieux, accueil par nos prédécesseurs peu nombreux mais très chaleureux surtout que le FOUDRE avait emmené du ravitaillement, et ensuite bien entendu la plage....où j'ai appris à nager...Nous avons également pris en charge notre matériel de chantier amené par le FOUDRE,la DIVES et le CHELLIF notre Cie du génie de l'air comptait environ 100 gus. Contrairement aux gars du 5 ème nous avions une formation de conducteurs d'engins et d'installations TP, pour ma part je pilotais une niveleuse Galion ,tout notre matériel était neuf voire du dernier cri pour certains...


Les premiers à bosser furent les grutiers et ce 24 heures /24 _7jours /7 pour tirer le "sable" du lagon, ils avaient un statut particulier et l'intendance les chouchoutait. La plus part d'entre eux ont été embauchés sur place dans les entreprises civiles à la fin de leur service...
Henri MANDON Moruroa 63 64 (10).jpg
Et nous avons réalisé la piste et le "terrassement" des installations aéroportuaires ,plus la route de Martine à l'air- port, quoique route, soit peut-être un mot un peu fort ,bref c'était carrossable et goudronné pas très large, mais à l'époque ça suffisait...
C'est vrai que le Génie de l'Air n'a fait que passer, et on n'a pas laissé de signature sur notre oeuvre, alors on nous oublie systématiquement..
Enfin je peut montrer une vue de notre village de vacances..
image clichés N & B Polynésie 1964 1965 1303x955.jpg

Nous étions 10 par "Fillod", comme couchage; lit picot, matelas pneumatique, 1 paire de draps et une couverture. Il n'y avait pas d'électricité. Le vrai camping quoi!!.
Au bout de 2 mois les légionnaires ont essayé de laver leurs draps à l'eau tempérée et au savon dans des 1/2 futs de 200 lt. Le résultat décevant ne nous a pas encouragé à suivre leur exemple.5 mois après notre arrivée nous avons reçu des vrais lits, de vrais matelas et des draps propres, quel changement!! on a même reçu chacun une armoire pour ranger nos vêtements et chacun un tabouret.. Ca commençait à prendre des allures de grand hotel....
Pas facile sans outil mais le chantier était bien organisé. :lol: :lol:
Moruroa 1964 019.JPG
Notre Cie était exempte de corvée d'intérêt général seul nous incombait la propreté de notre quartier...Ce travail était confié à 3 réunionnais et 1 calédonien parce qu'ils étaient les seuls a savoir grimper aux cocotiers pour dégommer les noix de cocos est les branches dangereuses pour les "promeneurs". Ils ramassaient les feuilles mortes,1 à la fois vu la taille une sinécure quoi!
Sur les chantiers, comme boisson nous recevions du thé frais en norvégienne et des noix de cocos vertes très appréciées....
Pour la nourriture,même si ça manquait souvent de verdure, rien à redire ou plutôt si, chapeau la marine, ça c'est des gens qui respectent et la nourriture est les clients..
Il y avait peu d'interaction entre la légion, la marine et nous, chacun sont réfectoire, chacun son quartier, les sous off. à part les officiers aussi ..Pour la troupe seul le foyer était un lieu de rencontre ...
Nous avions pour les repas droit à 2 gamelles de 5 lt de pinard, hormis les prélèvements fait pour déculotter les quarts en alu on refilait le reste à la légion qui en échange nous laissaient ramasser les fromages de NZ et autres denrées non consommées .....

Malgré la précarité relative de nos installations il y avait 2 remorques d'hôpital de campagne toutes neuves, les toubibs n'étaient pas surchargés. Une seule fois ils ont bossé sur une urgence civile, une polynésienne qu'ils ont opéré après un déploiement de solidarité que je conterait plus tard.
Serge PONT Mururoa 1964 Infirmerie.jpg
Il y avait des groupes électrogènes mais un seul endroit était alimenté en permanence les cuisines et la chambre froide....On avait des gars qui tous les soirs allaient aux cuisines pas pour la nourriture mais pour jouer au tarot à la seule source de lumière du village....
Bon si on faisait une petite pose

Re: 1963/1965 LE CHANTIER DE MORUROA, L'HISTOIRE DE LA 115ème CMGA

Publié : 21 mars 2018, 11:32
par Gérard Gadaud
Vous étiez donc les premiers de la 115e CMGA
et on voit que vous étiez vraiment des pionniers
ça change de ce que nous trouvions en arrivant en fin 1966
sais-tu s'il y avait aussi des pionniers de la 115e à Hao à la même époque?

Merci
a+

Re: 1963/1965 LE CHANTIER DE MORUROA, L'HISTOIRE DE LA 115ème CMGA

Publié : 21 mars 2018, 18:30
par Alain Giot
La 115 a commencé à migrer vers Hao aux environs de la mi- soixante cinq. je n'ai donc pas connu cette époque. Mais mon ami Marcel Wanner qui travaillait pour le CEA a passé 13 ans entre les atolls Moruroa, Fangataufa et Hao, .
Marcel a de très belles images, je vais lui ouvrir un sujet dans lequel il pourra évoluer.
Titre Arrivée du DC8 du Général DE GAULE en 1966 à HAO.jpg

Re: 1963/1965 LE CHANTIER DE MORUROA, L'HISTOIRE DE LA 115ème CMGA

Publié : 23 mars 2018, 18:23
par Marsouin
Passionnante épopée (illustrée !) que nous raconte Alain, des pionniers du CEP !
Ce n'était pas le paradis, contrairement à ce que certains s'imaginaient...

Re: 1963/1965 LE CHANTIER DE MORUROA, L'HISTOIRE DE LA 115ème CMGA

Publié : 24 mars 2018, 11:47
par Alain Giot
C'est quoi le paradis ?
Sulawesie apero.JPG
Tous les jours comme le mec sur l'image cela doit être barbant, il se croit au paradis donc il n'a plus de but à atteindre, il est arrivé. Non il faut que cela bouge, des hauts, des bas, des envies, des rêves etc...
Nous n'avons pas été malheureux labas, nous nous sommes pour la plus part adaptés à l'environnement. C'est sûr il nous a manqué des choses, un ou plusieurs ballons de foot, de volley, des boules de pétanque, un bateau de promenade et surtout de l'eau douce potable, mais en fait tant que l'on évoquait pas les manques, ce n'était pas important. Nous n'avons pas fait grêve pour quelque motif que ce soit, on râlait seulement parfois en bons Français.